Texte · Lettre à sa femme

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Le

Eh oui, moi, Thak, je t’écris une lettre. Les gens peuvent être bizarres des fois. Même moi, je ne pensais pas qu’un jour je le ferais. Comme je suis incapable d’écrire sans musique de fond -le silence me tue, oui- c’est Dolorest qui raisonne dans tout mon appartement, je sais que c’est ton pêché mignon, et que t’aimes bien cette expression à la con. J’essaie quand même de faire un effort. C’est pas dans mes habitudes, mais c’est nécessaire. Pour te dire, j’en suis à mon quatrième brouillon. Je parie que t’as déjà arrêté de lire, en même temps je te comprends, c’est pas moi qui irais te reprocher d’en avoir rien à foutre de ma pomme, même si on sait tous les deux que c’est toi qui as le plus merdé dans cette histoire. Personne n’influence mes choix, j’ai toujours tout assumé. Je me demande si tu vas lire jusqu’au bout mais ce serait déjà un miracle que tu trouves la lettre, c’est vrai que je me suis appliqué à la planquer. Un de ces tarés qui te sert de famille pourrait la découvrir avant toi.

Un jour je me suis assis par terre, c’était le jour où tu t’es tirée avec ma caisse, tu t’en souviens peut-être pas d’ailleurs, vu ton état, mais t’imagines bien que je m’inquiète pas pour ça. Toute la nuit ta voix m’a hantée, quel fardeau c’était.

Ce que tu pouvais être dégueulasse quand t’y mettais du tien, ma belle, j’aimais beaucoup. Est-ce que tu t’en rendais compte ? Pour répondre à cette question qui tourne en boucle depuis le lendemain du mariage je pensais tout et son contraire, j’ai fini par laisser tomber les réflexions, ça ne sera jamais mon truc, désolé. Prend-le comme tu veux, j’ai souvent eu envie de te foutre une droite quand t’étais trop soûle pour m’écouter, c’est pour ça que ç’a fini comme ça l’autre soir. En général, l’alcool agit sur toi comme un laisser passer, je suis pénard là-dessus, mais ç’a prit une autre dimension. Tu n’es plus à mon goût, alors tu penses bien que j’ai pas attendu de te faire un signe d’avertissement avant de partir trouver mon bonheur ailleurs. J’ai pensé en commençant ma lettre que ce serait un moyen de te parler sans que je ne parte en vrille à cause de tes caprices quotidiens. C’est ton tour de promener le chien. Jette tes clopes, je suis pas ton ramasse merde. Ouvre la fenêtre et arrête de laisser cramer le steak, tu sais que j’aime pas quand c’est toi qui fais la cuisine. C’est aussi chez moi, tiens-toi droit. Elle est trop belle cette robe ! T’inquiète je veux rien pour mon anniversaire. Pourquoi tu m’as rien offert ? T’es bien le genre de nana à qui on dit pas non quand elle t’invite dès le premier soir, tout juste dans cette période de la nuit où on commence à perdre la notion du temps, à croire que c’est fait exprès. Une fois qu’on a compris, c’est trop tard, tu te retrouves marié avec une figure détériorée par son ivresse, améliorée par la tienne.

Tout ça pour dire ce que t’as compris depuis un moment déjà. À force de partir à l’aventure, j’ai fini par en trouver une qui suscite plus d’intérêt que les autres. Je me permets quand même de te prévenir, entre nous, c’est de bonne guerre. Je sais quand même pourquoi je te préviens, encore une fois si tu trouves la lettre -tu comprends bien maintenant que ce serait fâcheux que quelqu’un qui ne connait rien de notre affaire la trouve. J’ai pensé que t’écrire serait moins salaud que partir sans rien dire, et puis de toute façon, je sais même pas si tu as remis les pieds chez tes vieux, tu parles. Depuis le soir où t’es partie avec ton coquard, la dernière fois qu’on s’est vus, c’est devenu ton problème. Tu peux garder la caisse.

« Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort. »
– Gandhi.

« L’atelier de Ceryse » est un site internet dans lequel sont regroupés tous mes travaux : écriture, journalisme, communication.

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