Texte · Passer à travers

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Le

Je réapparais, un jour de pluie. Je ne voyais pas le ciel quand je levais la tête, simplement mon parapluie bleu qui ne m’était plus aussi utile qu’auparavant. La pluie grondait sur le pavé, au beau milieu d’un Paris bondé. Il faisait sombre, le vent soufflait un peu, sans tâcher mes habits. Un semblant de musique se fit entendre depuis l’intérieur d’un bar à tabac. J’aimerais m’approcher, mais je n’y parvins pas. La musique m’était étrangère, comme si elle venait d’une autre planète.

 Une jeune femme sortit du bar, un imperméable complètement ouvert sur une ravissante petite robe rouge sur le dos. Elle se recroquevilla et entreprit une démarche déterminée, terrorisée. C’était elle. Elle n’avait pas changé. Je me disais que c’était elle mais ses yeux étaient cachés par une paire de lunettes de soleil. Je l’observais partir à toute vitesse d’une menace que je n’identifiais pas. C’était plutôt moi, cette nuit-là, qui venait d’une autre planète. Comme un aimant, je m’empressai de la rejoindre, lui demander ce qu’elle faisait là, seule, dans un lieu aussi froid et humide, lui demander pourquoi elle venait volontairement de m’éviter. Le cliquetis des gouttes de pluie s’intensifiait à mesure que je m’approchais.

 Dans les rues où la densité de population est trop forte, je pouvais facilement perdre mon chemin. Hors, aujourd’hui, ce problème n’en était plus un. Cette nuit-là, je pouvais nier leur regard, je pouvais les esquiver sans aucune gêne, je pouvais relever la tête. Sa figure n’était plus très loin de moi. Je pouvais m’attacher à elle, depuis ma libération. Elle était si proche.

 Un gong retentit, paralysant mon corps tout entier. Je hurlai, en fis tomber mon parapluie. Elle ne m’entendait pas, à cause du bruit de la cloche, c’était certain. Encore un autre gong, je sentais ma poitrine qui cherchait à passer à travers ma peau. Tout ce monde, autour de moi, pas un seul daigna poser ses yeux sur moi. Je pus dans un dernier geste la regarder, tendre la main vers elle. Mais elle ne se retourna pas, elle ne se retournera plus jamais. J’étais mort.

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« Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort. »
– Gandhi.

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