Texte · Salut,

Écrit par

Le

Si c’est bien celui qui a pour mission de me trancher la tête qui lit cette lettre, c’est à toi que je m’adresse. Si c’est quelqu’un d’autre… cela ne fait rien, tu peux continuer de lire si tu veux.


 Tout d’abord, bonjour, mon bourreau. C’est amusant d’écrire pour quelqu’un dont on ne connait pas l’identité, même si notre relation ne se pose pas sur de bonnes bases.

En même temps, elle l’aura cherché, cette garce au sang impur, devrais-tu penser en lisant ces mots. Tu peux penser ce que tu veux de moi, aujourd’hui cela n’a plus d’importance. Que vaut ma voix contre la tienne ? Je ne serai jamais rien d’autre qu’une fausse princesse et c’est sous ce titre que je dois mourir de tes mains. Vois-tu, à l’heure où je t’écris, je m’imagine en train d’écrire dans mon journal intime, sirotant avec une paille une limonade en haut du balcon, à l’époque où je ne voyais pas les gens comme toi. Je m’arrête un instant pour observer le paysage montagneux choisi avec soin par mes ancêtres. Je vois le mont Koridore, celui qu’aucun être vivant n’est parvenu à gravir. Je t’assure que ce n’est pas une fable, mon grand frère lui-même a essayé. Il aurait pu devenir un excellent roi, tu ne trouves pas ? Quelle question, c’est ce que tout le monde pense ! Je sais qu’il erre quelque part, dans cette montagne, redoutée par tant de gens.

 Pourtant, quand on l’observe de plus près, elle est beaucoup moins effrayante que ce que l’on pourrait croire. J’en sais quelque chose, puisque la vérité, c’est que je ne suis pas en train de siroter une limonade mais bien enfermée au pied de Koridore, pour avoir incité mon frère à partir. Non, Ivan n’est pas mort, et il est bel et bien mon frère, dans mon cœur. Hormis le sang, j’ai tout pour être sa sœur, et c’est ce que la famille royale vous a dit. Dans tous les cas, je suis tout de même née dans ce château. Je viens de réaliser que j’essaie de t’expliquer la vérité, mais qu’au final, elle n’a jamais intéressé personne.

 Pardonne-moi, mon bourreau, de t’ennuyer avec nos histoires de couronne. Si je l’avais, je te l’aurais donnée, au château, personne n’en veut, il faut nous comprendre, comprendre que la couronne n’est pas une mince affaire quand il n’y a plus rien à sauver, pas même les espoirs. C’est pour cette raison que je ris à l’heure où je t’écris, et que je rirai, tout là-haut, quand tu me liras. Peu importe ce qu’il s’est réellement passé, c’est justement le passé, et tout l’or du monde ne te fera pas changer d’avis.

 Ô mon bourreau anonyme ! Sois le premier à constater ma perte, je m’envole vers d’autres cieux ! Mon frère et moi sommes nés pour accomplir de grandes choses, et dès ce soir, hier soir pour toi, Ivan viendra me chercher et jamais tu ne me reverras.

 Toi, mon bourreau qui ne pourra plus mener à bien la mission que notre père t’a donnée, je te souhaite un immense courage pour aller annoncer la nouvelle. Tu es le maître de ma mort, invente ce que tu veux, sache que je respecterai ta décision, quelle qu’elle soit. Après tout, cette identité ne m’appartient plus.

Adieu, cher bourreau, ou qui que vous soyez,
Victoria, ex-princesse de Sélestya.

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« Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort. »
– Gandhi.

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