Texte · La danseuse et le pianiste

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Le

Jeune fille en quête d’aventures, je rencontre par hasard une mélodie qui passe devant moi. Je la vois émaner autour d’un homme assis sur un tabouret. Ses doigts caressent tendrement les notes d’un piano qui semble venir de l’au-delà. J’écoute la belle musique me frotter les joues puis envelopper mon corps entier. Les femmes tiennent fermement leur ombrelle, face au charme du pianiste. Les hommes abaissent leur chapeau au passage, c’est tout. Le cœur battant, je me lance et m’élance, abandonnant mes manières et ma conduite. Mes pieds nus s’approchent, traversent le pavé sec. Mes bras s’emportent tous seuls, des plumes qui viennent de la tour au-dessus de ma tête tombent sur le sol. Je m’amuse à les balayer dans les airs avec tout mon corps. Emportée par cette musique décolorée, je tourbillonne, je délire, j’effraie peut-être, qu’importe. Je ne me suis jamais sentie aussi libre. Plus rien n’existe, tout est blanc. Seules les plumes continuent de tomber de je ne sais où. Le pianiste est avec moi mais de dos. Il ne m’a normalement pas vue mais il sait que je danse derrière lui. Lui aussi est là, depuis toujours. Ses doigts virevoltent tandis que je me balance dans les airs. Je me fiche d’être gracieuse. J’ignore si je le suis, c’est mon corps qui parle à ma place, ce corps qui s’adapte comme par enchantement avec le pianiste qui me plaît de plus en plus. Peut-être devrais-je abolir cette idée de mon esprit, mais c’est en pensant à toutes sortes de choses que je m’amuse le plus et plus je m’égare, plus j’aime la vie. J’entends de l’eau couler, comme une fontaine, mais je ne la vois pas, parce que mes yeux se sont fermés. Je ralentis peu à peu la cadence, sans me remettre tout à fait, sans rouvrir les yeux. Je ne veux plus voir ce monde si banal, je veux pouvoir danser ainsi toute ma vie, accompagnée de ce pianiste que je ne connais pas. Que j’aime le mystère, autant que la danse, autant que la vie.

 Les à-coups sonnent. Le rideau tombe. J’ouvre les yeux. Je regarde autour de moi. Plus rien. Il est parti. Je tiens toujours mon ombrelle et je fais comme les autres femmes. Je ne saurai jamais où était le rêve, où était la réalité, mais je chérirai ce moment, dans mon âme, en secret.

« Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort. »
– Gandhi.

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