Édito : La colère des agriculteurs

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La France agricole rejoint l’Allemagne, la Hollande et la Pologne dans leurs défilés respectifs, unis dans un mouvement vers une destination inconnue. D’une lenteur imposante, les pneus des tracteurs français dominent l’asphalte de la ville, à l’approche des élections européennes au mois de juin. L’inquiétude atteint son apogée en cette « semaine de tous les dangers », comme le qualifie Arnaud Rousseau, président de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA). Pour cette fédération, pas question de se limiter aux mesures prises par Gabriel Attal, qui se résument à inciter l’achat français et « faire respecter partout » les lois Egalim… Tant de paroles que les exploitants ne veulent pas entendre.

L’opération escargot des agriculteurs est arrivée à Paris le 30 janvier. Le « siège de Paris » est qualifié ainsi par le blocage de certaines autoroutes en périphérie de la capitale. Telle une force militaire assiégeant Alésia, les exploitants font preuve d’une grande organisation pour tenir leurs barrages le plus longtemps possible avant jeudi 1er février. Dans leur idéal, les feux de leurs palettes seraient assez hauts pour être visibles depuis Bruxelles, où se tient le 1er février le Conseil européen extraordinaire. Cette réunion sert à réviser le budget de l’Union Européenne et pourrait aussi servir à écouter ou non les mouvements des agriculteurs qui parcourent le continent.

Jusque-là, les forces de l’ordre françaises s’abstiennent d’intervenir. Mais c’était sans compter sur les rumeurs de tracteurs qui continuent leur lancée en direction du marché international de Rungis, en Val-de-Marne. Attendue par des CRS, une dizaine de tracteurs réussit à atteindre l’entrée du plus grand marché de produits frais au monde qui alimente Paris, réservés aux professionnels, avant d’être interpellés dans le calme par ces mêmes CRS pour « entrave à la circulation ». La Coordination Rurale acclame tout de même la victoire de leur opération. Une victoire surtout symbolique qui met en lumière les moyens et les motifs pour lesquels sont déployées les forces de l’ordre.

Pour répondre à la centaine de revendications des exploitants, les ministres concernés s’affairent dans leurs bureaux et les médias. Ils annoncent le jour même que des annonces arriveront dans les prochains jours. Ainsi, Marc Fesneau annonce donner 80 millions d’euros pour les viticulteurs sur Sud Radio. Gérald Darmanin a, certes, décidé de placer des forces de l’ordre pour tenter d’empêcher le blocage de Rungis, mais dit « refuse(r) d’envoyer les CRS sur des gens qui travaillent » sur France 2.

Ces arguments ne sont pas suffisants pour les différents syndicats qui représentent l’agriculture. Pour eux, produire différemment à des fins environnementales, sans démotiver les producteurs ni faire gonfler les prix pour les consommateurs, reste une perspective utopique. Chacun de ces syndicats voit des solutions variées à leurs problèmes. Parmi elles, il y en a une sur laquelle tout-un-chacun pourrait tomber d’accord.

La jachère est une terre cultivable qui ne l’est pas pour préserver la biodiversité. Cette terre doit représenter 4% des domaines agricoles en France, et pourquoi pas à l’échelle européenne. Pourtant, la Commission européenne a l’air de tendre la main aux agriculteurs vers le maintien de la dérogation de cette mesure, qui devait expirer à la fin de l’année. Si la jachère devait complètement disparaître, il faudrait trouver une autre solution pour permettre à la terre et aux sols de se reconstruire et de restaurer leur fertilité. La plupart des revendications des agriculteurs existe pour des causes financières, et non pour des causes environnementales. Les véritables mesures pour allier agriculture et environnement seraient, par conséquent, ailleurs. Il ne reste plus qu’à les trouver.

« Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n’est pas impossible que tout le monde ait tort. »
– Gandhi.

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